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méli mélo
24 octobre 2015

Angoisse en janvier 1915

L'orage battait son plein, les volets tapaient, les tôles du hangar grinçaient, les chiens aboyaient, il faisait très sombre. Les parents n'avait qu'un demi-siècle mais ils étaient déjà vieux surtout la mère qui boitait beaucoup, Henri était à la guerre, Moïse s'apprêtait à partir dans trois mois, il n'avait pas encore 19 ans, il allait laisser ses parents, sa soeur de 17 ans, son frère de 13 ans et le bébé de un an, la fille aînée habitait chez sa grand-mère à Mureils.
La nuit tombait, les hommes de la famille se chauffaient autour de la cheminée en attendant d'aller traire les vaches,leur donner du foin sans oublier les boeufs et les chèvres qu'on ne pouvait sortir avec un froid de moins cinq degrés.
Le père ne disait rien, drapé dans son autorité intransigeante de patriarche, pas question de traîner au lit le matin ; après la soupe, on montait se coucher comme les poules pour être debout à six heures du matin, avant le jour. Demain, la journée serait harassante, il faudrait partir à Colonfort faire une coupe de bois pour l'an prochain et les trois hommes de la famille partiraient avec leurs haches, leur passe-partout et leurs casse croûte, pas question de revenir pour le repas de midi, on n' oubliait pas la bouteille de vin rouge, il fallait se donner du courage car cette année on couperait le double des arbres pour faire une réserve de bois car c'était la guerre, il n'y aurait plus d'hommes jeunes à la maison sauf le petit apprenti qui devrait remplacer ses frères.
La mère se reposait, la fille préparait la soupe et s'occupait de son petit frère qui n'était pas encore sevré, il pleurait souvent et titubait sur ses jambes frêles.
Moïse ne disait rien mais le film de la guerre passait dans sa tête, il savait presque tout par les journaux, par les conversations au café, par les lettres de son frère, par les lettres de ceux de 14 dont sa soeur était marraine mais surtout par les permissionnaires qui étaient très entourés au café et qui parfois ne répondaient pas aux questions, Moïse interprétait ces longs silences angoissés.
Il les voyait cacher leurs têtes derrière des talus de terre, il les voyait ne pouvant ni avancer, ni reculer et toujours sans casques.Il avait vu cela au cinéma, une seule fois et c'était suffisant, il faisait des cauchemars !
Les obus éclataient et soulevaient les hommes, beaucoup de soldats étaient tués ou blessés, couverts de sang. La demi boule de pain qu'on ne partageait pas, la faim, la soif, les insomnies, le froid, la pluie, la neige, les petites cavités creusées pour se protéger, la puanteur des cadavres.
Pleut-il à Verdun, pleut-il dans la tranchée de son frère et dans celle de ses copains ?
Les habits trempés et sales, parfois le sommeil à moitié dans l'eau, les attaques même de nuit. Des loques humaines qui deviennent des brutes !
 De la boue jusqu'à la ceinture, des blessés, des millions de morts, comment pourra-t-il survivre ?
Il a peur mais il n'est pas question de s'apitoyer sur son sort !

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