ça date de cent ans

Cette photo militaire de 1916, je l'avais trouvé, il y a plus de vingt ans, je l'avais fait agrandir pour être sûr de bien reconnaître mon père. Elle semblait avoir été prise devant une caserne, il y avait la lettre b ( peut-être bataillon mais pas de numéro, un semblant de croix ), cinquante neuf poilus.
Tu vois, j'aimerais mettre un nom sur ces visages, c'est bien toi à droite, tu sembles triste et tendu. Je ne peux pas situer cette photo, ni la dater dans l'année 1916. Etait-ce à votre arrivée au lieu de casernement du 159e régiment ?
Certains soldats ont des casques, d'autres des képis et les deux gradés du milieu ont des sortes de casquettes noires.
A l'époque, j'avais trouvé aussi ta seule carte visible de la guerre, elle est datée du 23 8 1919 et tu étais parti à la guerre le 8 4 1915. Tu écris :
" on trouve les jours longs quand on compte .....et que l'on quitte ce sale métier quand même !"
Tu avais envoyé une autre carte le 28 1 1916, elle est illisible non à cause de la censure mais c'est ton frère qui l'a effacée et gribouillée.
J'ai ramené quelques cartes postales de cette époque lors de mon pélérinage sur tes traces :
- une dizaine de poilus prêts à partir aux tranchées, tu aurais pu être là, une chance sur des millions.
- un chien pour rechercher les blessés.
- quatre poilus devant l'entrée d'un tunnel en première ligne.
- un campement dans la plaine avec des bâches et une charrette.
- un gros camion d'artillerie lourde.
- un obusier 155.
- la voie sacrée entre Verdun et Bar le Duc.
- une tranchée devant Souville avec des tombes à côté et d'autres cartes.
J'avais trouvé aussi des cartes postales envoyées à ta soeur Marguerite qui semblait être une marraine de guerre vu l'abondance du courrier de soldats.
Quelques aperçus :
Lyon : - malgré ces mauvais moments que nous traversons, je pense que tu n'es pas sans travail pour remplacer ceux qui sont partis ( 13 8 1914 )
Savoie : - je suis bien content à Chambéry, on ne fait pas bien du travail. Au plaisir de se revoir ( 9 9 1914 )
Leyre : - parfois on fait la guerre avec la pelle et la pioche. Je pense que tu dois conduire les vaches à la Galaure, il ne faut pas désespérer ( 25 4 1916 Salonique: - je suis à Salonique, ici je tiendrai jusqu'au bout, malheureusement on ne durera pas assez.( 31 8 1917 )
Zagazig: - souvenir d'un ami qui est à l'hôpital (vue du Nil le 1 6 1915 )
Tour: - je compte aller en permission dans quelques jours ( 25 6 1916 )
Gérardemer: - je te renvoie la carte, je suis en bonne santé ( 22 1 1915 )
Salonique: - en ce moment, je suis à l'arrière, nous faisons des routes, on nous fait faire le métier de cantonnier ( 8 6 1917 )
Alsace Lorraine: - je change de pays, nous devions monter ce soir mais on ne monte pas aux tranchées. Je ne sais pas où l'on va ( 26 6 1915 )
Salonique: - nous n'avons pas à nous plaindre de notre nouveau pays, nous sommes sur les hauteurs boisés, au bord de la mer pas loin du Prée et d'Athénes ( 8 6 1917 )
Monastir: - le principal moyen de transport c'est l'âne ( 21 9 1918 )