Un inconnu

Pourquoi se refuser à écrire sur les tristesses tenaces qui ressurgissent, sur cet état de mélange entre fictions et réalités.
Si j'ai bien compris, il y avait eu un intrus dans notre famille, quelqu'un qui avait forcé les portes et les fenêtres, quelqu'un de violent, quelqu'un qui n'avait pas respecté les femmes. Celui dont la photo était absente, dont l'histoire était inconnue.
Quelqu'un de notable qui pouvait payer pour faire taire les rumeurs évidentes. Il était reparti du village, il s'était installé ailleurs, il avait une grande famille, il avait des biens, il avait des appuis.
C'était le temps où l'église était puissante et régentait les consciences. Il avait fait des dons, il avait été bienfaiteur de cette église qui demandait aux pauvres de pardonner et aux riches de soulager leurs consciences avec leurs argents.
Il avait vécu en oubliant cette femme, qu'avait-il de commun avec elle, c'était une servante qui faisait le ménage dans sa demeure, elle était rien pour lui, sans instruction, sans relation, sans éducation.
Elle était de la descendance des serviteurs qui avaient passé leurs vies dans la soumission aux grands.
La révolution n'avait pas changé grand chose pour les fermiers, leurs droits étaient bafoués.
Elle était enceinte cette jeune fille et bien qu'elle se débrouille, qui pouvait prouver qu'il était le père. Il n'y avait rien à dire, il saurait imposer le silence !
Si la révolte devenait trop forte, il paierait pour éviter une émeute de ces pauvres gens !
Vais-je lui pardonner moi aussi, vais-je chercher sa tombe ?